FAUT-IL TOUT AVOIR VECU POUR AVOIR UNE QUELCONQUE LEGITIMITÉ ?

Dans l'esprit de beaucoup de gens l'expérience est ce qui qualifie et qui légitimise une personne. En disant cela, j'aborde le fait que pour pouvoir parler, conseiller, accompagner et même former une personne, vous devriez auparavant avoir non seulement partagé le même quotidien, les mêmes souffrances, les mêmes handicaps, les mêmes troubles, que vous ayez les mêmes origines, ayez traversé la même histoire et vécu aux mêmes endroits et logiquement pour finir, que vous ayez pratiqué les mêmes péchés avec la même intensité qu'elle. 

Si on suit un tel raisonnement, ni Jésus ni Paul n'auraient pu donner des conseils aux parents sur l'éducation des enfants...et Jésus aurait été disqualifié pour aborder le thème du mariage. 

Faut-il être un ancien drogué pour parler aux drogués et espérer être pertinent à leurs yeux ?

Faut-il s'être prostitué pour commencer à apporter une aide spirituelle aux femmes de la rue ? Faut-il avoir eu le cancer pour accompagner une personne atteinte de cette maladie ou être privé de la vue pour pouvoir parler et aider des aveugles ? Faut-il avoir pratiqué l'occultisme ou avoir été possédé pour prendre en compte des personnes liées ou possédées en raison de leurs pratiques ténébreuses ?

Au début de mon ministère, j'ai exercé le pastorat pendant 15 années au sein d'un groupe ethnique particulier et je n'ai cessé d'entendre :"Tu ne peux pas nous comprendre, car tu n'es pas comme nous." Je me sentais alors repoussé et disqualifié sur des critères purement racistes de non appartenance. Ce rejet me paraissait contradictoire puisqu'il venait de personnes qui se plaignaient elles-mêmes de subir du racisme. Le comble, c'est que plusieurs années après avoir quitté le peuple qui m'avait repoussé, j'ai appris que j'avais une arrière grand-mère qui avait la même origine.

Repousser ceux qui n'ont pas la même expérience de vie que soi, c'est cloisonner les choses et disqualifier des quantités de personnes dans leur volonté ou leur appel à bénir leur prochain.                    C'est même remettre en question celui qui les envoie : Christ ! 

Même si on peut facilement reconnaitre qu'avoir partagé les mêmes expériences de vie donne de la crédibilité et nous aide à mieux nous comprendre les uns les autres, ce n'est cependant pas toujours le cas, et une quantité d'exemples ne confirment pas ce qui pourrait être considéré comme une règle.

Peut être pensez-vous au fait que Dieu le Fils s'est fait homme et qu'en Jésus, il est devenu le parfait médiateur et le parfait intercesseur. Dieu le Fils a en effet pris notre condition humaine et a été tenté en toutes choses comme nous. Ne serait-ce pas la preuve biblique attestant que les gens doivent vivre la même vie que leur semblables, pour prier efficacement pour eux, les aider et les soutenir ? 

En parlant de l'humanité de Christ, la Bible ne mentionne pas que Jésus ait tout vécu et traversé toutes les tentations les plus inimaginables de cette vie ; même si Hébreux 4.15 dit : "Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses ; au contraire, il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché", ne pensez pas que Jésus a été tenté de manière exhaustive concernant toutes les tentations qui puissent exister sur cette planète. 

Jésus connait nos faiblesses physiques et morales inhérentes à notre condition de pécheurs. Jésus connaît l’amertume découlant de nos infirmités, il sait combien elles pèsent sur nos âmes, car il a été tenté ou éprouvé (le même mot grec exprime cette double idée) comme nous, mais sans jamais pécher. Les tentations auxquelles il fut soumis ont été semblables aux nôtres en tous points, à une exception près : il n’y eût jamais rien d’impur et de corrompu en lui ; il ne put donc être tenté par ses propres pensées ni par les convoitises de son cœur. 

Voilà ce que l’auteur de l'épître aux Hébreux retrace avec soin : nous sommes tentés par les suggestions mauvaises qui nous viennent du dehors et par le péché qui est en nous, alors que Christ a été tenté du dehors et est resté étranger à la convoitise qui fait la puissance du péché dans la chair.

Avec Jésus, nous devons garder à l’esprit qu’il n’est pas nécessaire d’éprouver quelque chose pour le comprendre. La preuve c'est que Dieu sait tout sur tout ; son omniscience en témoigne. 

Jésus n’a jamais eu le désir de pécher et il est encore moins passé à l’acte, pourtant il sait et comprend ce qu’est le péché. Dieu sait et comprend ce qu'est la tentation, alors qu'il n'est jamais tenté par le mal. Jésus peut compatir à nos tentations parce qu’il les connaît, pas parce qu’il les a expérimentées. Il peut nous soutenir, nous encourager, nous reprendre et intercéder pour nous, et il nous appelle à faire de même vis-à-vis de notre prochain. Comme la parabole du bon Samaritain l'illustre (Luc 10.30-37), notre prochain n'est pas forcément celui qui nous ressemble le plus !

Alors, ne laissez pas les gens vous dire que si vous n'avez pas vécu ce qu'ils ont vécu, vous ne pouvez pas les comprendre. En agissant ainsi, ils font le déni de votre humanité et de votre capacité à comprendre, compatir et soutenir. Sans doute, leur rejet témoigne de leurs propres souffrances et il vous faudra du temps et beaucoup de patience pour atteindre leur cœur endurci, avec l'aide de Dieu, mais votre légitimité à aider les autres ne doit pas être remise en question. D'autant plus si vous êtes un chrétien né de nouveau et rempli de l'Esprit Saint qui vous communiquera tout ce dont vous aurez besoin pour bénir ceux et celles vers qui il vous envoie.

Past. Xavier LAVIE