ÉTABLIS SUR NOUS UN ROI

L’institution religieuse a parfois la tentation du chef ou du roi comme l’illustre tristement la demande du peuple juif dans 1 Samuel 8.5 "Ils lui dirent: Voici, tu es vieux, et tes fils ne marchent point sur tes traces; maintenant, établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a chez toutes les nations.".

Cette demande faite à Samuel était en réalité un camouflet visant à rejeter le règne de Dieu sur eux, pour permettre à un homme d’exercer cette fonction (dans 1 Samuel 8.7, Dieu dit à Samuel : "car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux.").

La tentation du chef ou du roi allait entraîner de fait des privations de liberté telles que le prophète Samuel avait pu en avertir le peuple dans 1 Samuel 8.11-17 "Il dit: Voici quel sera le droit du roi qui régnera sur vous. Il prendra vos fils, et il les mettra sur ses chars et parmi ses cavaliers, afin qu’ils courent devant son char; il s’en fera des chefs de mille et des chefs de cinquante, et il les emploiera à labourer ses terres, à récolter ses moissons, à fabriquer ses armes de guerre et l’attirail de ses chars. Il prendra vos filles, pour en faire des parfumeuses, des cuisinières et des boulangères. Il prendra la meilleure partie de vos champs, de vos vignes et de vos oliviers, et la donnera à ses serviteurs. Il prendra la dîme du produit de vos semences et de vos vignes, et la donnera à ses serviteurs. Il prendra vos serviteurs et vos servantes, vos meilleurs bœufs et vos ânes, et s’en servira pour ses travaux. Il prendra la dîme de vos troupeaux, et vous-mêmes serez ses esclaves."

Donnez du pouvoir à un homme et il en usera et même en abusera…L’histoire entière nous enseigne une telle réalité.

Depuis cette époque, et à la suite d’Israël, l’Eglise n’a cessé, à l’exemple des organisations séculières de la société qui l’entoure, de nommer à sa tête des responsables avec un pouvoir souvent trop étendu. Elle n’a cessé d’expérimenter des systèmes de gouvernance sans mesurer toujours leurs effets positifs et pervers.

1 Samuel 8.19-20 "Le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel. Non! dirent-ils, mais il y aura un roi sur nous, et nous aussi nous serons comme toutes les nations; notre roi nous jugera, il marchera à notre tête et conduira nos guerres."

L’évidence historique est que les dirigeants sont rarement des représentants du peuple mais plus souvent des dominants chargés d’appliquer des options politiques pour lesquelles ils ont été mandatés en un temps donné, et qu’ils poursuivent aveuglément, même si la majorité des personnes sur qui ils exercent leurs responsabilités ne partagent plus leurs directions ou visions.

Le peuple juif savait que leur roi allait les entraîner dans des guerres, car tout règne humain passe nécessairement par la guerre pour assoir son autorité et accroître son pouvoir.

Redéfinir les fonctionnalités de la représentativité de l’Eglise et de l’institution semble une évidence, et même une urgence.

Cela permettrait d’ouvrir des possibilités nouvelles, régionales et locales plus grandes et favoriser une synergie plus forte, une plus grande mobilité et une moins grande inertie.

Nous ne sommes plus à l’époque des grandes structures lourdes et coûteuses, clivantes et pleines d’autoritarisme en raison d’une grande hétérogénéité, mais à celle des petits ensembles plus homogènes et donc plus efficaces. Une telle vision a aussi pour but de favoriser une plus grande participation de chacun, en ouvrant le champ des activités (sur des critères de spiritualité et de compétences) au lieu de tout regrouper entre les mains du « roi ».

Dans le cas contraire, la tentation du « roi » d’augmenter son pouvoir pour parvenir à assurer son projet politique ou sa vision et afin d’assurer une sorte d’unité cohérente se fera par toutes sortes d’abus, de refus d’écoute, de dénigrements, de toutes sortes de violences, etc.

Nous vivons cette période de crise institutionnelle au sein de laquelle l’Eglise n’est pas épargnée. Comme toutes les autres institutions, elle est en danger de suivre le courant de la déconstruction actuelle, ce qui risque de favoriser son délitement, son affaiblissement. Certes, elle demeurera parce que c’est Christ qui en assure la pérennité, mais elle souffrira inévitablement et s’appauvrira spirituellement si elle prend modèle sur le monde et sa culture.

Mais, elle peut aussi considérer toute cette époque critique comme une formidable opportunité de se redéfinir, de se repenser vis à vis de la Parole, en permettant à Dieu de reprendre sa place et donc en acceptant que l’homme en prenne beaucoup moins.

Il faut que le pouvoir des « rois » diminuent pour que celui du Rois des rois puisse redevenir notre priorité.

La perspective eschatologique ne laisse pas d’autres place à l’institution ecclésiale qui est appelée à se réformer bibliquement ou à continuer de se conformer au monde."

Past. Xavier LAVIE