ÉVITONS LA DÉFRAGMENTATION


Quand l'église propose toutes sortes de formations de leaders mais pas de formation de serviteurs, quel message envoie-t-elle véritablement à ses contemporains ? Une autre question serait : quelles différences se mettent tacitement en place, entre ceux qui ont été ainsi formés et ceux qui ne le sont pas ? La formation est une bonne chose, mais elle ne doit pas consister à jeter une semence dans une terre qui n'a pas été préparée pour la recevoir. Ainsi, toute formation spirituelle devrait s'effectuer en rapport d'un appel intérieur qui va qualifier le cœur en vue de la recevoir pour ensuite tirer tous les bénéfices de cette formation en faveur de l’Église. Toute formation spirituelle doit donc nous amener à nous questionner sur notre appel et pas seulement sur nos désirs, nos intérêts ou nos capacités personnelles. Sommes-nous en train de mettre en place la même logique que celle du monde et aboutirons-nous finalement à la création d'un ascenseur spirituel comme il existe un ascenseur social ? Certains deviennent-ils des privilégiés ayant un accès facilité aux formations alors que d'autres doivent demeurer dans la frustration et souffrir d'une nouvelle forme d'injustice ? Merci à ceux qui organisent des WEBINAIRES gratuits permettant d'effacer toutes ces inégalités en ouvrant plus largement l'accès aux formations. Verrons-nous demain (à moins qu'elle soit déjà là....) une église à deux vitesses : avec ceux qui ont le temps et les moyens de monter dans l'ascenseur et les autres qui seront alors considérés comme les délaissés, les marginalisés de l'église, les gens des basses couches de la spiritualité ecclésiale ? Ainsi, quand l'église œuvre à la "promotion" des croyants, à mettre en œuvre des formules de coaching individuel, elle en arrive à parler de la vie spirituelle comme le monde parle d'évolution de carrière. En glissant sur ce terrain, l'église met en œuvre une ségrégation de fait, non entre les brebis et les boucs ou entre les saints et les injustes, mais entre chrétiens et chrétiens, entre les enfants du même Père; entre les accédants aux savoirs qui donnent accès au pouvoir, et les non accédants aux savoirs qui deviennent les non sachants ou les subissants. Si les responsabilités déléguées dans l'église ne sont pas établies sur la base unique de l'appel divin dans la vie d'une personne pour laquelle l'église doit investir dans sa formation, alors l'église deviendra un système ou une simple organisation au sein de laquelle les principes de concurrences vont s'établir et les injustices vont s'accroître en fonction des offres de formations et du coût qu'elles génèrent. Si nous revenions aux principes bibliques élémentaires de la corporalité de l'église en réalisant que le Christ en est la tête unique, la synergie édifiante pourrait reprendre là ou l'esprit de compétition ne fait qu'éroder ; une complémentarité se mettrait en œuvre par l'acceptation de la différenciation, et tous seraient considérés comme des serviteurs sans rechercher sans cesse l'ascendance sur les autres (même à des fins spirituelles). Ne sommes-nous pas tous des sacrificateurs pour Dieu? Mon propos ici n'est pas de remettre en question les ministères bibliques d’Éphésiens 4, dont le but est l'édification ou la formation des saints, mais d'éviter une lutte des classes en favorisant les uns aux dépens des autres. Je laisse à chacun le soin de pousser plus loin cette réflexion..."
Past. Xavier LAVIE