ARGUMENTUM AD PERSONAM


Il existe une différence entre un argumentum 'ad hominem' (voir http://xavierlavie.blogspot.com/2017/08/argumentum-ad-hominen.html ) et un argumentum 'ad personam'.  

Peut-être faut-il rappeler ici la distinction établie par Schopenhauer entre l’argumentum 'ad hominem' et l’ argumentum 'ad personam' ? 

Ce sont en effet ces deux types d'attaques qui sont confondues, la première généralement prise pour la seconde.

1. L’argumentum 'ad personam'.

Si l'argumentum 'ad hominem' décrit la manière dont on traite un interlocuteur selon son titre, son statut, ses actions, ses engagements, ses déclarations…l' argumentum 'ad personam' traite l'interlocuteur sur ce qu'il est dans sa nature même (son intégrité).

Dans  son livre intitulé "L’art d’avoir toujours raison" (1), Schopenhauer écrit : « Si l’on s’aperçoit que l’adversaire est supérieur et que l’on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est : on pourrait appeler cela argumentum ad personam pour faire la différence avec l’argumentum ad hominem. »

2. L’argumentum 'ad hominem'.

L’argumentum 'ad hominem', écrit Schopenhauer, c'est : « Quand l’adversaire fait une affirmation, nous devons chercher à savoir si elle n’est pas d’une certaine façon, et ne serait-ce qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’ils soient sincères ou non, ou avec ses propres faits et gestes. Si par exemple il prend parti en faveur du suicide, il faut s’écrier aussitôt : « Pourquoi ne te pends-tu pas ? » Ou bien s’il affirme par exemple que Berlin est une ville désagréable, on s’écrie aussitôt : « Pourquoi ne pars-tu pas par la première diligence ? »

Pour résumer, l’argumentum 'ad personam' vise donc la personne elle-même, tandis que l’argumentum 'ad hominem' concerne la cohérence – ou plutôt l’incohérence – de ses propos. Cette incohérence des propos tenus par une personne peut être évaluée par rapport à ses actes ou par rapport à des propos tenus précédemment, quelques instants plus tôt au cours du même débat ou encore des années auparavant.

Ce que nous devons comprendre à ce stade, c'est que la valeur ou la véracité d’une idée ne dépend pas des contradictions propres aux personnes qui la défendent. Quand bien même une idée vraie serait soutenue pour de mauvaises raisons ou par de mauvaises personnes, elle n’en demeure pas moins vraie… Et vice-versa… Ainsi, la vérité demeure la vérité même si elle est annoncée par un menteur !

Il faut ainsi une véritable honnêteté intellectuelle et une certaine dimension spirituelle (pour ne pas dire maturité spirituelle) pour ne pas tomber dans les ornières faciles de l’argumentum 'ad hominem' ou l’argumentum 'ad personam' !

Conseils pratiques: Si vous êtes l'objet à une attaque 'ad hominem', il vous sera toujours possible de poursuivre l'échange en acceptant que s'il y a parfois de l'incohérence entre ce que vous dites et ce que vous faites ; ce que vous dites devrait néanmoins être reçu, surtout s'il s'agit d'une vérité biblique que vous énoncez, enseignez ou défendez. 

Maintenant, dans le cas d'une attaque 'ad personam', mon conseil sera le suivant: ne poursuivez pas la discussion en prenant le temps d'expliquer à la personne avec laquelle vous échangiez qu'elle vient de franchir une limite importante à vos yeux en bafouant votre intégrité et en vous manque de respect.

Dans Matthieu 11.19, Jésus témoigne qu'il est la victime d'un argumentum 'ad personam'. 

Il déclare : "Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et ils disent : C’est un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des gens de mauvaise vie. Mais la sagesse a été justifiée par ses œuvres."      

Les ennemis de Jésus s'efforçaient de le disqualifier dans ses propos par le simple reproche qu'il lui arrivait de partager des repas avec des personnes jugées comme infréquentables ou malfamées. 

Nous savons que Jésus était venu sauver les hommes qui font bonne chère, les buveurs de vin, les péagers et les pécheurs (Marc 2.15-16,18). Ainsi, si l’homme le plus saint qui soit, a été exposé aux calomnies et aux injures, ne vous étonnez pas qu'il en soit de même avec vous, et que l'on cherche parfois à vous discréditer même si vous êtes une personne assurément vertueuse.

Dans ce passage, nous voyons que Jésus ne cherche pas directement à se justifier en déclarant par exemple: "Mais savez-vous de qui vous parlez réellement ?"

Non, pour Jésus le meilleur témoignage de lui se manifestait par ses œuvres qui prouvaient à elles seules qui il était. 

Ainsi, dans le cadre d'une attaque 'ad personam', je vous encourage à réagir comme Jésus en laissant parler vos œuvres à votre place. Si cela est nécessaires, elles vous justifieront sans doute mieux que mille paroles.

Past. Xavier LAVIE 

(1) https://www.schopenhauer.fr/oeuvres/fichier/l-art-d-avoir-toujours-raison.pdf